Exhumer les mémoires de l'esclavage. Le regard de l'archéologie
Conférence-débat avec André Delpuech, directeur du Musée de l’Homme, et Dominique Taffin, directrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, animé par Anaïs Kien, journaliste
Ces dernières décennies, une archéologie de l’esclavage s’est développée dans les Amériques, dans l’océan Indien et aussi en Afrique, apportant des informations documentaires inédites sur l’histoire coloniale au sein de laquelle les populations asservies deviennent ainsi visibles là où les archives écrites sont silencieuses. Cette archéologie du modeste fait son apparition dans des sources très inégales où les colonisateurs tiennent une place dominante à tous égards, mettant en avant les édifices militaires, églises, les maisons d’habitation, ou encore les moulins, les usines à sucre, les caféières, etc. Les vestiges des villages précaires des esclaves, des rues “cases nègres”, des lieux de sépultures sans parler des camps des esclaves fugitifs sont, bien plus discrets et difficiles à déceler.
Entre Dominique Taffin et André Delpuech, ce nouvel épisode de L’Archéologie dans la Cité sera l’occasion d’un regard croisé entre les données issues des archives du sol et des documents écrits. Il s’agira également d’aborder les questions mémorielles pleinement d’actualité autour de cette histoire tragique de la déportation et de l’asservissement de millions d’Africains durant plusieurs siècles.
André Delpuech est conservateur général du patrimoine, et directeur du musée de l’Homme de Paris depuis 2017. De 2005 à cette date, il a été responsable des collections des Amériques au musée du quai Branly-Jacques Chirac. De 1992 à 1999, il a été conservateur régional de l’archéologie de la Guadeloupe, puis chercheur à l’UMR “Archéologie des Amériques” (Université de Paris I et C.N.R.S.), avant de diriger, en 2002, le bureau de la recherche archéologique à la sous-direction de l’Archéologie du ministère de la Culture et de la Communication. Ses recherches
portent plus spécifiquement sur les sociétés amérindiennes des aires caribéennes et amazoniennes, sur l’histoire de la colonisation des Amériques et de l’esclavage transatlantique, mais aussi sur les cabinets de curiosités et l’histoire des musées d’anthropologie et de société. Derniers ouvrages dirigés, en 2014 “Archéologie de l’esclavage colonial”, aux éditions La Découverte, et en 2017, “Les années folles de l’ethnographie. Trocadéro 28-37” aux éditions du Muséum national d’Histoire naturelle.
Dominique Taffin est archiviste-paléographe,conservatrice générale du patrimoine et, depuis mai 2012, directrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage depuis deux ans, après avoir dirigé les Archives de la Martinique de 2000 à 2019. Elle conjugue une longue expérience dans les archives et dans les musées : conservateur-adjoint aux Archives d’outre-mer (Aix-en-Provence) en 1985, elle rejoint le musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie (Paris) de 1992 à 2000 où elle a eu en charge la gestion du fonds “colonial” du musée. Dans le champ caribéen, elle a travaillé à la valorisation des archives au sein du patrimoine culturel des Antilles, comme au développement des bonnes pratiques archivistiques, et à la prise en compte du numérique. Elle a ainsi initié la Banque numérique des patrimoines martiniquais (2010) et a écrit ou coordonné de nombreuses publications sur l’histoire et le patrimoine des Antilles (catalogues d’expositions, actes de colloques, articles). Elle a présidé l’Association des archives antillaises / Caribbean Archives Association (CARBICA), branche du conseil international des Archives de 2010 à 2014.
A propos du cycle de conférence
Programme conçu par Anne Lehoërff, professeur des universités sur la chaire Inex "Archéologie et Patrimoine", CY Cergy Paris Université
L’archéologie est une science plurielle qui s’est progressivement construite depuis environ deux siècles. Les cabinets de curiosité et les collections privées de la Renaissance puis des Lumières se nourrissent d’objets pour leur caractère esthétique ou insolite. Au XIXe siècle, les découvertes et l’élaboration de méthodes de fouille, le croisement avec d’autres disciplines – histoire, art, anthropologie, biologie ou géologie – construisent peu à peu les contours de ce qui devient une science, qui se développe au XXe siècle avec la création de cadres juridiques et alimente les collections des musées. Après 1945, le patrimoine archéologique est au centre de nouveaux enjeux. Les grands travaux d’aménagement et la mécanisation menacent les vestiges enfouis ainsi mis au jour. Un demi-siècle plus tard, grâce à une prise de conscience internationale, l’archéologie préventive, qui précède l’aménagement du territoire et permet de sauvegarder le patrimoine par l’étude, voit enfin le jour. Les sciences de laboratoire et les nouvelles technologies se perfectionnent : datation, études de la faune, des restes humains, des macro et micro-restes végétaux, études sur les matériaux, et même paléogénétique au XXIe siècle.
Aujourd’hui, les missions et les fouilles touchent tous les continents et toutes les périodes historiques. L’archéologie investit aussi bien les campagnes, les fonds marins, les parkings ou les quartiers populaires des villes. C’est bien l’homme et ses interactions avec les milieux qu’il habite qui sont au cœur des recherches. L’archéologie, à travers les vestiges du passé qu’elle révèle, rétablit le lien entre des populations et leur histoire, entre le monde contemporain et le passé enfoui. Au-delà du seul cadre scientifique, les enjeux d’identité, de mémoire, de droit, auxquels l’archéologie se confronte sont bien actuels et animent toujours le cœur des cités.
Pour mettre en lumière ces enjeux, la place qu’occupe l’archéologie dans la vie d’une cité, CY Cergy Paris Université a souhaité la création du cycle de conférences "Archéologie dans la cité". Organisé en partenariat avec l’Institut National du Patrimoine (INP) et le musée de l'Homme notamment, il donne la parole aux savants et spécialistes de la discipline en France et ailleurs, en sous l’angle spécifique du lien entre le citoyen et l’archéologie
Informations pratiques
La conférence aura lieu le 30 novembre 2021
AUDITORIUM DU MUSÉE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION
293 avenue Daumesnil - 75012 Paris (métro Porte Dorée)
Entrée libre de 16h50 à 17h20, sur réservation et dans la limite des places disponibles. Passe sanitaire obligatoire à l’entrée du musée.
Pour plus d'information, contacter Emilie Maume, chargée des manifestations culturelles et scientifiques : manifestations.scientifiques@inp.fr
Lire, Ecouter & Voir
Retrouvez les enregistrements dans la playlist Soundcloud
Abonnez-vous à nos podcasts audios en vous abonnant à notre chaîne Soundcloud.
Retrouvez dans la Médiathèque numérique les enregistrements audio ou vidéos des colloques et conférences de l'Institut national du patrimoine.