Pour la septième année consécutive, les élèves conservatrices et conservateurs de l’Institut national du patrimoine (INP) et de l’Institut national des études territoriales (INET) organisent conjointement avec les doctorantes et docteur de l'Institut des sciences sociales du politique (ISP – UMR 7220) une journée d’études portant sur une problématique commune au droit et au patrimoine : l’hospitalité. En mettant au cœur de cette journée les notions d’accueil et de soin, ce sujet vise à interroger l’aspiration de nos politiques culturelles à réceptionner des patrimoines étrangers et à les valoriser, tout en s’ouvrant au public le plus large et diversifié. À la fois vecteur d’accueil et de rejet, les patrimoines et pratiques culturelles font face à un cadre juridique et politique dont il s'agira de définir les contours à travers quatre grands moments, en les éclairant des expériences que certains établissements ont déjà menées en matière d'accueil des publics et des patrimoines.
Thématiques
1. L’universalité du service public culturel en question
Il n’est aujourd’hui plus contesté que l’action publique culturelle a vocation à s’adresser au public le plus large possible, et non plus seulement à une élite cultivée. En cela, il est possible de parler depuis les années 1980 d’un véritable service public culturel, notion qui engendre un certain nombre d’obligations juridiques pour la puissance publique, sans que celle-ci n’opère de distinction au sein des usagers.
Les institutions culturelles ont par ailleurs su mobiliser de nouveaux outils pour accueillir et construire leur projet par l’inclusion de leur public : les politiques des publics mettent ainsi depuis de nombreuses années l’accent sur la diversification des profils des visiteurs, en ciblant notamment les personnes dites éloignées du champ culturel, pour des raisons géographiques, de santé ou encore d’origine sociale.
Pour autant, des défis structurels demeurent et révèlent des écarts persistants dans l'accès des publics à la culture, mettant en cause l’ambition des institutions patrimoniales à incarner un idéal d’universalité, à commencer par le débat récurrent autour du prix à faire payer pour l’accès au patrimoine national.
2. L’hospitalité au sein du service public, entre paradigme éthique et politique culturelle
La notion d’« hospitalité » a été traditionnellement circonscrite au domaine de l’éthique, plutôt qu’à celui de la politique ou du droit. Cet encadrement risque d’affaiblir la dimension normative de ce principe, en contribuant à conceptualiser un déséquilibre entre les « accueillis », simples usagers des services publics, et les citoyens, qui en revanche peuvent en invoquer un droit à tous les effets. Traduit sur le plan de la politique culturelle, ce paradigme conduit à exclure de la sphère juridique des « accueillis » des aspects plus inhérents à la dimension « citoyenne » du service public – participation active dans la construction de l’espace public en matière culturelle, démocratisation des politiques culturelles etc…
Quelle place, alors, pour le principe d’hospitalité au sein du service public culturel ? Quel rôle pour l’État dans l’application effective du principe d’hospitalité dans le domaine culturel ?
3. Patrimoines et mémoires de l’inhospitalité : traces, récits et transmissions
Si l’hospitalité a façonné certains patrimoines, l’inhospitalité a également laissé des empreintes profondes dans l’histoire, les objets et les lieux. Certains espaces du rejet de l’autre sont aujourd’hui l’objet de patrimonialisation, révélant des récits de souffrance, mais aussi des résistances culturelles, des expressions artistiques et des formes d’hybridation. Face à ces héritages, les mémoires peuvent être croisées, divergentes ou silencieuses.
Comment créer des lieux d’accueil de cette histoire de la violence et de l’exclusion ? Quels enjeux de conservation et de transmission pour faire société à partir de ces récits complexes ? Cette session interroge la place de ces patrimoines sensibles dans nos représentations collectives et les défis de leur médiation.
4. Penser le musée comme un lieu d’asile et d’intégration
Le partenariat noué en janvier 2025 entre les musées d’Orsay et de l’Orangerie et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés n’est qu’une nouvelle illustration du rôle actif pouvant être joué par les musées pour faciliter l’inclusion et l’intégration des personnes déplacées. Elle participe aussi de la redéfinition voulue par le Conseil international des Musées (ICOM) en 2022, qui pense le musée comme un lieu « ouvert au public, accessible et inclusif ». Faire société en accueillant des personnes issues de migrations implique dès lors de revisiter les fonctions traditionnelles du musée, suscitant plusieurs interrogations.
Quels axes spécifiques de la politique des publics peuvent être déployés en ce sens ? En quoi l’appropriation d’un patrimoine peut-il aider à l’inclusion dans un nouveau pays, et plus largement à un gain de confiance en soi ?
Dans cette optique, le musée, loin d’une simple admiration et réception d’informations, devient le lieu d’une posture active et d’une participation inédite. Cette libre participation à la vie culturelle nécessite en outre de lever d’autres barrières, notamment juridiques, et qui questionnent la capacité des principaux instruments internationaux à protéger les droits culturels des personnes réfugiées et migrantes.
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Comité d’organisation : Ronan Bretel, Anaïs Chazel, Anna Ludovica Danovi, Florian Doladille, Christel Duris-Girard, Pierre Fallou, Flore Heinrich, Ninon Legardinier, Anna Marazanof, Clara Obadia, Chiara Perez, Éléonore Plantard, Asena Poyrazer, Claire Prêtre – avec le concours de Vincent Négri.
Inscription sur le site de l'INP
Renseignements : 01.44.41.16.41 / www.inp.fr
Programme
9h15 Accueil des participants
9h45 Mots d’accueil
Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine
Vincent Négri, chercheur à l’Institut des sciences sociales du politique
10h Une introduction sur l’hospitalité de la culture
- Flore Heinrich, doctorante en droit public à l’Institut des sciences sociales du politique, ENS Paris-Saclay et Università degli Studi di Milano
- Anna Marazanof, élève conservatrice, Institut national du patrimoine / Institut national des études territoriales
Session 1 (10h15-11h30) – L’universalité du service public culturel en question
- Corinne Poulain, directrice générale des Champs Libres
- Karl-Henri Voizard, maître de conférences en droit public, Université de Toulouse, codirecteur du département DEG de l’INU Champollion
Discussions
Modération : Clara Obadia, doctorante en droit public, Université Paris-Saclay, Institut d’Études en Droit Public (IEDP)
Pause
Session 2 (11h45-13h) – L’hospitalité au sein du service public, entre paradigme éthique et politique culturelle
- Olivia Bui-Xuan, professeure en droit public, Université d’Évry-Val d’Essonne
- Patrick Thil, adjoint au maire de Metz délégué à la culture et aux cultes, Conseiller délégué aux établissements culturels de l’Eurométropole de Metz (Sous réserve)
Discussions
Modération : Anna Ludovica Danovi, doctorante en droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Institut de Recherche en Droit International et Européen de la Sorbonne (IREDIES) et Università degli Studi di Milano
13h-14h30 Pause déjeuner
Session 3 (14h30-15h45) – Patrimoines et mémoires de l’inhospitalité : traces, récits et transmissions
- Émilie Gandon, conservatrice du patrimoine, Musée national de l’histoire de l’immigration
- Michaël Landolt, directeur du Centre européen du résistant déporté
Discussions
Modération : Pierre Fallou, élève conservateur, Institut national du patrimoine
Pause
Session 4 (16h-17h15) – Penser le musée comme un lieu d’asile et d’intégration
- Thibaut Fleury-Graff, professeur en droit international, Université Paris II Panthéon-Assas
- Katia Kukawka, conservatrice en chef, directrice adjointe du musée d’Aquitaine
Discussions
Modération : Chiara Perez, élève conservatrice, Institut national du patrimoine
17h15 –Conclusion de la journée d’étude
Sébastien Thiéry, artiste chercheur, coordinateur des actions du PEROU - Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines, coordinateur de la création du Navire avenir
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